Ambassade de la république du Niger au Mali
Fraternité - Travail - Progrès
J’ignorais
que vous prépariez une table ronde des investisseurs, J’ai eu cependant l’information que vous étiez attendu, le 5 décembre, à Paris (France). Bref, j’ai suivi votre allocution d’ouverture de ladite table ronde et je dois avouer que ma surprise est totale de vous entendre proclamer, avec une si grande certitude, des choses et des concepts dont vos compatriotes ont oublié, depuis plus d’une décennie, jusqu’au sens. Avec votre permission, je commencerai par l’unique vérité que j’ai relevée dans ce discours qui a dû faire sourire nombre de partenaires qui savent parfaitement comment le Niger est gouverné depuis près de 11 ans ; ceux qui connaissent, pour les avoir pratiqués et évalués, les responsables de cette gouvernance que vous semblez si flatter. « Notre peuple, avez-vous déclaré si courageux et si résilient, mérite bien de tels résultats » en parlant de modernisation de l’économie nationale, du développement du capital humain, de la consolidation de la gouvernance, de la paix et de la sécurité. C’est une vérité absolue à laquelle j’adhère totalement, sans être toutefois d’accord avec vous quant à votre volonté et vos capacités réelles à faire face, avec efficacité, à vos responsabilités. Je veux dire que vous savez bien que le contexte de corruption, de détournements de deniers et biens publics, de trafics en tous genres, le tout baignant dans une impunité totale des auteurs, ne peut favoriser ce que vous projetez si bien dans votre discours.
Comme moi, comme tous vos compatriotes, Vous savez ; que vous êtes très éloigné de ces perspectives, pour ne pas dire que vous en êtes aussi éloigné que les deux faces d’une même pièce de monnaie. Vous savez autant que moi, sinon plus que moi, que le Niger est malade, très malade, de la corruption, des détournements de deniers publics, de trafics en tous genres, de l’injustice et de l’impunité et qu’en dehors d’un changement de paradigmes auquel vous vous êtes essayé brièvement, il n’y a guère de salut pour le peuple nigérien. Ah, j’ai souri lorsque je vous ai entendu dire que « la mise en oeuvre du Plan de développement économique et social (Pdes) a été un succès ». Vous savez bien que ce n’est pas le cas. Il y a deux semaines, je vous avais rappelé que dans Monsieur le Président,On ne peut pas déployer tant d’énergie, tant d’ingéniosité et de tant de courage dans la violation des lois et penser convaincre en parlant de justice et les droits de l’homme votre pays, depuis le début de mai 2022, ce sont 16 193 personnes, soit 2 602 ménages, qui ont été forcées de se déplacer dans les communes de Torodi et de Makalondi ; qu’en août 2022, 77 919 enfants, dont 38 394 filles ont été affectés par la fermeture de leurs écoles pour cause d’insécurité ; que ce nombre d’élèves concerne 890 écoles, dont 855 écoles du primaire et 35 du secondaire ; que le pourcentage des écoles forcées de fermer a augmenté de 17% entre mai et août et que ce phénomène touche les enfants de 17 départements éparpillés dans quatre régions ; que, bien entendu, cela va durablement affecter l’économie nationale, sans compter les conséquences sociales et culturelles désastreuses ; que les besoins sont énormes dans les secteurs de l’eau, de la sécurité alimentaire, de la santé, de la protection, des abris et de l’éducation ; qu’enfin, 552,6 millions de dollars sont nécessaires pour financer le plan humanitaire 2022. Ce n’est, vous le savez, qu’une infime fenêtre du vilain tableau de la gouvernance que vous incarnez. Le tableau serait-il aussi noir si le Pdes 2017-2022 était un succès ?
Monsieur le “Président”,
Ce que je considère comme une opération de com de votre part ne peut d’ailleurs porter des fruits dans la mesure où ceux à qui vous parlez sont parfaitement édifiés sur la situation réelle de notre pays, du climat des affaires et des opportunités réelles dont vous parlez. Le slogan « Niger, Terre d’accueil et d’opportunités » avec lequel vous pensez accrocher vos interlocuteurs et susciter leur intérêt n’est pas réaliste dans son second volet. Les opportunités d’affaire ne peuvent coexister et prospérer dans un contexte dominé par la corruption, les trafics divers et l’impunité, y compris pour des personnes qui doivent être poursuivies pour haute trahison. Le détournement des fonds destinés à équiper les Forces armées nigériennes (Fan) et l’impunité garantie aux auteurs, co-auteurs et complices enlève tout crédit à votre discours. On ne peut pas déployer tant d’énergie, tant d’ingéniosité et de tant de courage dans la violation des lois et penser convaincre en parlant de justice et les droits de l’homme.
« La croissance, avez-vous déclaré, sera durable et inclusive afin qu’elle profite à toutes les couches socioéconomiques, notamment les plus défavorisées » ; que votre ambition est de ramener le taux de pauvreté de 43% en 2022 à 35,4% en 2026 ; que pour ce faire, le Gouvernement mettra en oeuvre plusieurs stratégies visant la transformation structurelle de notre économie. C’est si séduisant. Seulement, comme vous le faites depuis 11 interminables années, derrière les mots, les discours, les promesses et les engagements, il y a toute une tragédie.
Monsieur le “Président”,
Savez-vous que l’amélioration du climat des affaires est impossible dans un pays miné par la corruption ? Savez-vous également que les services sociaux de base, notamment l’éducation, la santé et l’eau sont en souffrance malgré le Pdes 2017- 2022 dont vous flattez les résultats ? Savezvous que des milliers de classe, malgré le Pdes, sont en paillottes, y compris à Niamey, dans la capitale et que des milliers d’élèves — ceux qui ont la chance d’aller à l’école — sont assis à même le sol ? Savez-vous que, malgré les énormes ressources que le Niger a engrangées sous votre régime, qu’il y a des localités qui n’ont accès à l’eau potable ? Savezvous que, dans les hôpitaux nigériens, l’on achète jusqu’aux gants et aux sparadraps pour espérer le moindre soin ? Savez-vous que les que les 10, 28 milliards d’euros correspondant à 6 735 158 140 084,00 FCFA pour lesquels vous cherchez des investisseurs étrangers peuvent être mobilisés rien qu’en livrant une lutte sérieuse contre la corruption ? Savez-vous que rien qu’avec le scandale des d’Eximbank de Chine, ce sont 1000 milliards de francs CFA qui se sont évaporés dans la nature ? Je ne suis pas choqué par ce décalage, j’allais dire ce fossé, entre le discours et la réalité, poignante, que vos compatriotes subissent depuis plus d’une décennie. Je pleure simplement ce Niger, mon pays, si fier, que vous avez “défiguré” avec une gouvernance sans âme, faite de déni de justice, de corruption et de trafics divers. Ce Niger que vous brossez dans vos discours, ce n’est pas celui que nous connaissons. Ma prière, c’est de voir ce Niger advenir.
Source: Nigerdiaspora du 12 dec 22