Ambassade de la république du Niger au Mali
Fraternité - Travail - Progrès
La
cure salée est une rencontre annuelle des éleveurs nomades du Niger et des pays voisins car à travers la transhumance qui la caractérise, elle permet aux éleveurs du sud de libérer les zones agricoles pendant l’hivernage, mais également aux animaux de faire leur propre cure de sel dans les généreux pâturages de la vallée de l’Irhazer. C’est aussi une manifestation culturelle. Elle reste et demeure au fil du temps, un véritable outil de culture de la paix, de renforcement de l’unité nationale, et de la cohésion sociale. Pour le commun des nigériens, la cure salée se fonde sur le pastoralisme qui est un mode de vie des populations pastorales et agropastorales. Elle est un vecteur de croissance, de sécurité, de paix, de stabilité et elle contribue à l’amélioration de la sécurité alimentaire.
La cure salée est donc l’une des activités socioculturelles phares de la région d’Agadez, en plus du Bianou et du Festival de l’Aïr. Elle est le creuset des rencontres entre les éleveurs nomades venant des régions de notre pays, mais aussi de l’Algérie, du Mali, du Nigeria, voire du Tchad. La cure salée joue un rôle important dans la pérennisation et l’équilibre de notre système pastoral. Les prémices de cette grande fête des éleveurs commencent déjà à s’annoncer dès l’approche de la vallée de l’Irhazer. En effet, au niveau du village de Tamaya déjà, c’est une procession de motos avec à leur bord deux, souvent même trois personnes bien endimanchés qui roulent à vive allure en direction de « Mararaba » et qui une fois arrivés, bifurquent pour emprunter la petite voie asphaltée d’Ingall. Il n’ya pas que les motos qui sonnent le rassemblement pour la ville d’Ingall. Les véhicules de toute marque, surchargés de festivaliers empruntent la même route à une allure déconcertante. A dos d’ânes, et de chameaux, souvent sur des charrettes remplis de bois de chauffe, hommes, femmes, et enfants, certainement venus des contrées lointaines, s’empressent de joindre la ville d’Ingall et de se préparer pour la grande fête. Lorsque nous arrivons à Ingall, la ville grouille de monde. A deux jours de l’ouverture officielle de la cure salée, Ingall présente aux yeux du visiteur qui la connait déjà, un nouveau panorama. Un panorama fait de vas et viens, de trin –trin, de bruit de moteur sans fin, de fortes causeries, et de rires intenses. La rue marchande des abords du marché s’ouvre aux visiteurs avec ses boutiques bien achalandées. Ici, les produits venus de l’Algérie voisine sont les plus en vue : Les jus de toute marque, les savons et les parfums, les pommades et les conserves, les huiles de cuisine, les pâtes alimentaires, etc. Les restaurateurs occasionnels sont également visibles avec leurs tables pleines de grandes tasses, et de thermos, remplies des différents mets du jour. Les clients arrivent souvent par petits groupes et se font servir ces repas délicatement préparés. Au restaurant « Tikkamarine » ou si vous préférez « la nouvelle étoile » d’Ingall, l’un des pôles d’attraction de la gastronomie locale, c’est un monde fou qui fait le pied de grue en attendant les bons petits plats qu’il a commandés. Le menu à notre premier passage dans ce restaurant dont la renommée, nous dit-on, dépasse les frontières de l’Irhazer, c’est le riz au gras ; le riz à la sauce tomate ; le watcha ou riz au haricot, et la soupe à la viande de mouton. Au vu du grand appétit des clients bien attablés dans ce restaurant, on imagine aisément qu’ils sont satisfaits de cette cuisine locale. En effet, les festivaliers se délectent à cœur joie, oubliant du coup, une journée de voyage harassante sur une route infernale. « Tikkamarine » est assurément un lieu de réconfort pour les festivaliers de la Cure Salée. Sur le site Hadiza Awialher (nom du site de la cure salée), la fête commence déjà à prendre forme avec l’arrivée et l’installation sur ces lieux des premiers festivaliers. Ils y sont avec leurs tentes-bivouac, accompagnés de femmes et d’enfants, ainsi que de leurs animaux. Leur présence sur cet immense site témoigne de l’imminence de la grande rencontre du monde rural.
Un marché de proximité sur le site
Non loin des tentes et des hangars des festivaliers, se trouve le marché de la Cure Salée. Ce « souk » contient tout ce qu’un festivalier de la cure salée peut avoir besoin pour les commodités de son séjour, et même pour ses provisions de retour. Les hangars magistralement dressés, comptent sur leurs étals une multitude de produits alimentaires et de produits de première nécessité. Vous y trouverez pêle-mêle, du thé, du sucre du lait, du charbon, des ustensiles de cuisine, des cordes, des couteaux, des tenues vestimentaires de l’Aïr, ainsi que d’autres attirails pour festivalier. Entre ces hangars, des vendeuses de beignets, et des vendeurs de café et de pain ont également trouvé leur espace commercial pour faire de bonnes affaires. Chez les commerçants, l’heure est à l’optimisme car la clientèle est déjà au rendez-vous. Sourire aux lèvres, ils vous confient que le meilleur est encore à venir, notamment pendant les quarante-huit heures que durera la fête. La cure salée est le lieu où se croisent et se mélangent en toute symbiose, les représentants des différentes communautés pastorales dans un esprit de fraternité, de solidarité, d’échange, et de partage mutuel. Elle est donc un véritable outil de culture de la paix et de la cohésion sociale. La cure salée permet aussi de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale à travers les différents échanges et brassages entre pasteurs venus de divers horizons. C’est une occasion de montrer notre authenticité culturelle par la beauté et la profondeur de nos richesses culturelles. Cette cure salée offre une belle occasion, avec ses stands d’exposition des éléments culturels et de nos produits agropastoraux.
Le « Lesso » ou lit traditionnel de la jeune mariée peulh
Deux braves femmes peulh, Mariama et Imbi, ont eu la lumineuse idée de faire découvrir aux visiteurs de la cure salée 2022, l’intérieur de la case de la jeune mariée peulh, notamment ses meubles, et ses ustensiles de cuisine. Originaires du village de Tugudoum, situé à une quarantaine de kilomètres de la ville d’Ingall, ces deux femmes ont patiemment construit le lit conjugal peulh. C’est un chef-d’œuvre artisanal d’une beauté incomparable. Construit à base de bois, de natte en paille, et de cuir, ce lit selon Imbi, constitue l’un des éléments clés du trousseau de la jeune mariée peulh. « Pour mettre au point un lit de ce type, il faut travailler d’arrache-pied pendant au moins un mois. Si c’est une femme ménagère qui ne dispose pas d’assez de temps pour s’y consacrer exclusivement, il lui faut au moins trois mois de travail pour pouvoir finir la confection de ce lit Lesso. Si vous voulez acheter ce lit, vous devez débourser 1 million de FCFA » a-t-elle jouté le sourire aux lèvres. Elle a renchérit en disant que le mariage en milieu peulh coûte extrêmement cher, et le lit Lesso en est une des preuves palpables. Et toute mère de jeune mariée qui désire réellement honorer sa fille doit pouvoir lui en faire cadeau au moment où elle doit rejoindre son foyer conjugal. Mais il n’y a pas que le Lesso dans la trousse de la jeune mariée peulh. Il y a également le «Tagdoumet». C’est un ensemble de plusieurs calebasses, les unes plus grandes que les autres, artistiquement décorées, et trônant sur une sorte d’escabot. « C’est tout ce que la jeune mariée peulh utilise dans son foyer. C’est un travail méticuleux qui est fait, notamment dans la décoration des calebasses. C’est aussi un travail qui peut s’étendre sur un mois lorsque la femme est assez courageuse pour travailler sans relâche » souligne Imbi, la propriétaire du Tagdoumt. Ce sont là autant d’éléments qui viennent s’ajouter aux vaches et autres taureaux pour un mariage bien réussi, c’est-à-dire digne de la culture peulh.
Les maraichers sont aussi là…
La cure salée n’est pas seulement un rendez-vous des pasteurs. Mais elle est aussi une rencontre qui inclut des agriculteurs et des maraichers. Comme à l’accoutumée, ces derniers ont tenu à marquer leur présence à Ingall à travers des stands d’exposition de leurs productions agricoles et maraichères. Ainsi on peut contempler de belles variétés d’oignon, de piment vert, de la pomme de terre, du petit haricot, de la tomate fraiche, du chou, de l’aubergine, du moringa, du concombre, etc. Ce sont des produits qui proviennent des jardins de Timia, Dannet, Dabaga et bien d’autres contrées aux confins de l’Aïr. « Nous cultivons la plupart de ces produits pendant toute l’année. Il y a certes ceux qui donnent beaucoup plus en saison froide comme la tomate et le chou, mais il y en a aussi qui pousse à temps plein, en toute saison comme le moringa ou l’aubergine » nous confie Abdoulaye Alassane, un producteur de la coopérative maraichère d’Agadez.
Sensibiliser pour prévenir les feux de brousse
Sur le site de la cure salée, les ong qui interviennent dans le secteur agropastoral ont pratiquement pignon sur rue. Il en de même des ong qui œuvrent dans le secteur de l’environnement. Si le déficit fourrager qu’enregistre régulièrement notre pays est en grande partie dû aux mauvaises campagnes agricoles, avec une raréfaction des eaux de pluie, le phénomène des feux de brousse y contribue également. C’est conscient de cet état de fait que l’ong Tagazte N’ Akal littéralement traduit « sauvegardons notre environnement », a retenu comme thème de sa participation à la cure salée 2022, « protection de la biomasse et prévention des feux de brousse pour une stabilité durable des éleveurs ». Selon M. André Chani Alhousseini, un membre de cette ong, sa structure qui intervient dans les zones d’Ingall, d’Aderbissanat, de Dabaga, d’Arlit, de Tchirozérine, et de Bouza, a ouvert une plage pour sensibiliser les éleveurs nomades sur le danger que constituent les feux de brousse. « Nous avons décidé de sensibiliser tout ce monde nomade et tous ceux qui gravitent autour des nomades. Pour atteindre cet objectif, nous collaborons avec les structures de l’Etat pour emmener les populations à comprendre que les feux de brousse nuisent aux actions de développement. Car ils ont d’énormes conséquences sur l’environnement. Tous les animaux qui sont dans le périmètre des feux de brousse meurent, et on perd une énorme quantité de fourrage » dit-il.
Le charme de la cure salée, c’est aussi la fantasia. Cette formidable démonstration de la place qu’occupent le chameau et l’âne dans le quotidien des éleveurs nomades. Les hommes trônent sur leurs chameaux, et les femmes jubilent sur leurs ânes dans une parfaite symphonie avec le rythme enivrant du Tendé. La richesse et l’originalité de leur harnachement en disent long sur leur rôle central dans la vie nomade. C’est aussi le moment de découvrir cette osmose entre la bête et l’éleveur, qui, à force de cheminer avec l’animal arrive à l’apprivoiser au-delà de ce que l’on peut imaginer. Il y a sans aucun doute un lien très fort qui unit l’éleveur nomade à sa monture.
Source: Nigerdiaspora du 21 oct 22