Ambassade de la république du Niger au Mali
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Depuis
plus d’un an, revenait sur le continent, et notamment en Afrique de l’ouest une pandémie de coup d’Etat qui a concerné un certain nombre de pays de la sous-région. Cette situation posait le problème de la fragilité des démocraties africaines depuis que les hommes politiques, une fois au pouvoir, oublient leurs engagements et surtout que la politique commande de leur part un comportement qui anoblit l’art de gouverner les hommes. Ces interventions par les armes sur la scène politique pour s’emparer du pouvoir, condamnées par principe, ne sont pourtant que le signe du mauvais état de nos démocraties, des conséquences de la gestion politique chaotique de nos Etats par des hommes et des femmes qui, de plus en plus, prouvent qu’ils ne méritent pas de gouverner, d’être hissés à la tête des Etats. On le sait pourtant, tant qu’il n’y aura pas de gouvernance vertueuse, et que des hommes peuvent confondre la gestion de l’Etat à une gestion privée, personnelle, alors, l’on ne peut que, hélas, continuer à vivre ces actes que l’on ne se fatigue pas de condamner par principe alors qu’il aurait fallu condamner plus le comportement des hommes au pouvoir qui justifient par la médiocratie qu’ils installent et souvent légitiment même ces atteintes à la sureté de l’Etat. On ne peut trouver de solution à ces situations quand, face à elles, l’on fait preuve de myopie et d’hypocrisie pour ne pas attaquer le problème à sa racine à savoir l’intransigeance à avoir vis à vis de la qualité de la démocratie qui passe aussi par celle des élections mais aussi par l’exigence de justice et de bonne gestion de l’Etat. Tant que dans les démocraties les hommes ne pourront pas assurer ces valeurs fondamentales de la gestion moderne d’un Etat, alors, aujourd’hui et toujours, l’on devra faire face à de telles incursions par lesquelles des militaires, au nom de la nation et de la démocratie menacées, trouveront l’alibi de s’inviter dans le débat politique pour arbitrer les contradictions et imposer, sinon rétablir l’ordre. Les dirigeants nigériens d’aujourd’hui, peuvent-ils d’ailleurs se rappeler, le discours qu’ils tenaient sous le Tazartché pour aller de manière à peine voilée l’armée à désobéir, lui faisant ainsi un appel du pied pour intervenir à trancher le débat politique de l’époque ? Pourquoi peuvent-ils se plaindre qu’aujourd’hui, ailleurs, d’autres aient recours au même moyen qu’ils pouvaient solliciter en d’autres temps ?
La voix inaudible de la CEDEAO…
Il est clair que la CEDEAO qui vit les moments les plus difficiles de son histoire faits de doute et de désaffection vis-à-vis des pouvoirs qui y ont cours, marquée par des instabilités et une crise sécuritaire jamais vécue dans son espace, par la posture qui est la sienne par rapport aux problèmes qu’elle combat, manque de stratégies quand elle se refuse à comprendre que ce qui est en cause est plus la manière de gérer les Etats et la démocratie que des interventions militaires chirurgicales qui peuvent apaiser des tensions politiques et des déviances dangereuses dans les Etats. C’est pendant que, poussée dans la radicalité, elle se bat à imposer une conduite aux nouvelles autorités issues des coups d’Etat, condamnant sans façon toute prise du pouvoir par la force et incapable en même temps, d’avoir la même main forte contre ceux qui, des rangs de ceux qui dirigent les Etats, par les mêmes moyens – la violence notamment – manipulent des élections pour se maintenir au pouvoir, qu’une autre Junte vient surprendre le monde, reprenant le pouvoir des mains d’un autre, incapable de faire bouger les lignes depuis qu’il chassait le président élu du Burkina Faso. Alors que la CEDEAO, vainement finalement, jouent à éradiquer les coups d’Etat dans son espace, voilà qu’un autre, comme pour la défier, vient d’être perpétré sous ses yeux, presque impuissante à éviter la chute brutale de Damiba, pour enfin comprendre l’inefficacité de ses sanctions et sa thérapie contre les coups d’Etat qui font si peur à des dirigeants qui ont conscience de gouverner mal dans l’injustice. On aura compris que la voix de la CEDEAO dans la gestion de ces crises est inaudible car très peu responsable lorsqu’elle se laisse manipulée par un autre qui joue ses propres intérêts non ceux des Etats menacés. Ce nouveau coup d’Etat qui réveille l’Afrique avec une nouvelle génération de soldats acquis au progrès et à l’amour de la patrie est la preuve de l’échec de la CEDEAO à prendre en charge les crises politiques qui secouent son espace. Mais comment comprendre les derniers événements dans le pays de Thomas Sankara ?
Damiba : l’errance et le détournement du redressement
Si malgré la farouche opposition de la CEDEAO et de la France, des militaires peuvent oser braver la sentinelle de la CEDEAO à protéger des gouvernements peu en phase avec les peuples, c’est que sa solution ne trouve pas l’assentiment des armées et des populations. Il est dommage que la CEDEAO ne s’en rende pas compte et continue à persister dans l’erreur pour croire qu’elle peut, par la force, régler des problèmes qui relèvent plus de la responsabilité de peuples souverains à disposer d’eux-mêmes pour faire les choix politiques qui les préservent et préserve la démocratie qu’ils se seront choisies que d’un farfelu pouvoir qu’aurait la CEDEAO à réguler, par ses humeurs, la démocratie dans son espace, incapable d’uniformiser ses positions selon les cas en présence dans le moment.
Damiba : l’échec face au défi de l’insécurité
Tout le monde aura compris que ce qui vaut l’éviction à ce qu’il est convenu d’appeler désormais l’ancien président du Mali – Damiba – c’est essentiellement l’échec de sa gouvernance depuis que, à la suite de sa prise du pouvoir quand il chassait Marc Christian Kaboré, il ne put prendre à bras le corps les défis pour lesquels il prétendait s’emparer du pouvoir et prenait des engagements vis-à-vis du peuple vaillant du Burkina Faso. Face à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans le pays il n’y avait de choix que d’opérer un choix quand, depuis qu’il découvrait la rutilance du pouvoir, Damiba, ne songe plus à ses engagements, travaillant à faire des places de confort à certains de ses proches ainsi que le lui reprochent les nouveaux putschistes. Les Burkinabé, peuvent-ils continuer à regarder un pouvoir impotent qui ne peut rien faire pour les sécuriser avec presque toutes les semaines des attaques d’envergure très meurtrières qui endeuillent le pays ? La dernière attaque d’un convoi alimentaire pour approvisionner des zones affectées par l’insécurité a fini par dévoiler son impuissance face au phénomène et dissuader qu’on ne pouvait rien attendre de sa part pour résoudre le problème sécuritaire. Beaucoup de Burkinabé interrogés après le coup d’Etat qui envoyait aux vestiaires le Colonel Damiba, exprimaient, non sans crainte souvent, un certain soulagement que le régime ait été renversé et jusqu’ici sans effusion de sang. Mais il y a certainement d’autres raisons pour comprendre ce qui s’est passé au Burkina Faso.
Crise au sein de l’armée ?
Comme dans beaucoup d’armées africaines, depuis l’avènement de la démocratie, la nouvelle élite civile qui arrivait au pouvoir à la faveur du multipartisme, par la crainte du coup d’Etat, avaient été déstructurées avec souvent des hiérarchies renversée pour promouvoir le plus souvent la médiocrité, ce sur des bases subjectives qui ont énormément affaibli les forces armées nationales. Ce problème, depuis le départ forcé de Compaoré du pouvoir à la suite de l’insurrection populaire, s’est posé et cela, comme ailleurs dans beaucoup d’autres pays de la sous-région, a provoqué des malaises au sein des armées, avec souvent des militaires valeureux mis dans les placards, estimant ainsi les avoir mis hors d’état de nuire ou quand, comme dans le cas du Niger, on les accuse, au moyen de faux projet de coups d’Etat montés de toute pièce pour les arrêter et les envoyer en prison ou les radier carrément des effectifs de l’armée. Depuis qu’Issoufou arrivait au pouvoir, combien de militaires, souvent de hauts gradés, des officiers valeureux, avaient ainsi été accusés pour vivre de tels déboires, selon un plan machiavélique conçu depuis belles lurettes ?
« L’Insurrection inachevée »….
C’est le titre de l’ouvrage d’un observateur de la scène politique du Burkina Faso, Bruno Jaffre qui, dans L’Insurrection inachevée : Burkina Faso 2014 montrait que le réveil de la jeunesse Burkinabé pour régler structurellement les problèmes du pays n’aura pas atteint ses objectifs, car « inachevé ». On remplaçait des hommes sans être capable de modifier la gouvernance pour avoir l’impact souhaité sur la qualité de la gestion. Et les Burkinabé peuvent bien se rendre compte que le seul fait de faire partir Balise Compaoré ou même Damiba, pour autant, ne réglait pas les problèmes du pays et qu’il y avait mieux à faire notamment en agissant sur la qualité de la gouvernance dans le pays. Il n’est donc que très normal de voir ces tâtonnements dans le pays pour essayer de trouver la voie pour sortir le pays de l’abîme. C’est pourquoi la France et sa CEDEAO, face à ce qui se passe au Burkina Faso, presque surprises et humiliées, ne regardent que perplexes une situation pour laquelle elles se seront investies pour empêcher qu’elle n’arrive dans le pays. Et indépendamment de ce que les pouvoirs burkinabé se seraient montrés incapables à régler les problèmes multiples et multiformes qui se posent au pays, il y a aussi la responsabilité d’une France qui ne peut aussi être capable de régler le problème sécuritaire qui ne fait que s’empirer au moment où, chassée du Mali, elle prétend se restructurer pour se déployer sur la zone dite des trois frontières, là aussi, comme au Mali, sans succès, assistant, impuissante, à une invasion djihadiste de grande envergure.
La France inquiétée face à un probable virage vers Moscou
Depuis quelques mois, dans les manifestations à travers le pays, comme on l’a vu la dernière fois au Niger, des drapeaux russes flottaient au-dessus des foules en furie qui appellent à une coopération militaire avec la Russie. Un tel clin d’oeil, tout le monde le sait, n’est pas du goût d’une France qui voudrait faire du Sahel sa chasse gardée, ne pouvant supporter de voir d’autres partenaires s’y intéresser a fortiori y prendre place pour lui ravir son influence dans la zone. Quand on apprend également que les divergences avec Damiba éclatent au grand jour par rapport au choix de nouveaux partenaires pour aider le pays à vaincre l’insécurité qui n’a que trop endeuillé le pays, l’on ne peut que comprendre que l’ancien président burkinabé ne puisse pas être en harmonie avec son peuple qui souffre de l’insécurité et qui voudrait bien s’essayer avec un autre pour arriver à bout de la violence terroriste dont elle endure les affres depuis de longs mois infernaux. Tout le monde peut avoir compris que le choix ne peut qu’être celui de la Russie, un choix osé qui a coûté au Mali, l’intransigeance, pour ne pas dire les extrémismes de la France et de « sa » CEDEAO à détruire les nouvelles autorités du pays de Modibo Keita. La France, n’a-t-elle pas déjà commencé à paniquer, lorsqu’elle peut redouter qu’après le Mali, cet autre pays du sahel ne lui échappe, sortant de sa zone d’influence qui était aussi sa zone de confort ? Il y a des signes.
Protection française de Damiba pour résister au coup de force ?
Le lendemain du coup d’Eta a donné lieu à des d’autres tirs nourris dans la ville de Ouagadougou, semant la confusion et d’autres inquiétudes. Mais parce que depuis la déclaration des nouvelles autorités l’on n’avait pas eu de nouvelles de l’ancien Président Damiba, l’on a entendu la nouvelle junte – le mot est à la mode – se plaindre qu’il se serait refugié dans camp militaire français dans le pays, non sans que Paris, à travers les propos d’Anne-Claire Legendre, ne le démente. Or, lorsque comptant sur les positions prises par la CEDEAO et l’UA pour s’en tenir à ces condamnations pour justifier ses prudences, la France ne peut cacher son désarroi par rapport à une situation qu’elle ne prévoyait pas et dont elle n’a plus la maitrise, sachant bien que l’intention, désormais claire chez les nouvelles autorités du pays, est irrévocable pour diversifier les partenaires autour de la question sécuritaire devenue primordiale et vitale pour le pays. En tout cas, la ministre française n’a convaincu personne et si la France devrait rentrer dans ce jeu, il est clair que face au peuple debout du Burkina Faso, elle ne peut, dans le meilleur des cas, que mettre cet autre peuple sur son dos. Déjà, quand on voit certains intérêts français ciblés dans le pays, à Ouaga et à Bobo, l’on peut comprendre que dans cet autre pays, la France n’aura plus d’avenir et la France le sait d’autant plus qu’elle connait la hargne des hommes intègres à avoir une fermeté dans leurs luttes et dans leurs exigences à assumer leur souveraineté irrévocable. Quand on entend ces militaires dire qu’« On peut avoir de partenariat avec toutes les puissances qui peuvent (les] aider », c’est que la France sait que sa fameuse place est bien menacée dans le pays, un concurrent, comme aime à le dire Parly, serait à la porte à attendre une nouvelle invitation à coopérer au plan militaire avec le Burkina Faso.
A qui le tour ? Le jeu ne fait que commencer…
Source: Nigerdiaspora du 04 oct 22