Ambassade de la république du Niger au Mali
Fraternité - Travail - Progrès
Entre
la France et l’Afrique c’est de vieilles amours, toujours mouvementées, jamais apaisées, éternellement faites de tensions, à jamais conflictuelles. Faut-il croire comme le pense le poète martiniquais que « le malheur de l’Afrique c’est d’avoir rencontré la France ? ». Dans les relations orageuses qui ont été les leurs, les deux partenaires n’ont jamais su taire contradictions, convertir leurs désamours dans leur amour contrarié, presque impossible quand l’un doit toujours sous-estimer l’autre et que l’autre doit à son tour toujours soupçonner l’un, méfiant à son égard, douteux de ce qu’il puisse lui faire et lui vouloir le bien. Pendant de longues et terribles décennies de domination et de marginalité, l’Afrique et l’Europe ont mené leur compagnonnage difficile, au coeur de malentendus et de discours vexatoires, inamicaux, souvent provocateurs, à la limite de l’injure quand une France hautaine peut croire, par ses complexes imposés, qu’elle a un droit de paternalisme sur les peuples qu’elle dominait pendant une époque et qu’elle ne peut jamais croire libres et matures pour disposer d’eux-mêmes même après une accession, peut-être folklorique, à une indépendance qu’elle accordait aux Etats africains, comme dans une scène de théâtre. Pour n’avoir pas su gérer ses relations avec le continent en fonction des époques et des évolutions sociétales, la France a fini par se rendre compte que les mentalités y ont beaucoup évolué et qu’elle était en passe de perdre de l’influence en Afrique parce que les hommes et les femmes, d’une autre génération qui n’a pas connu l’époque de la domination et des complexes qu’elle entretenait, ne pouvaient pas comprendre qu’elle se comporte en « maître » à leur égard avec tant d’arrogance autant que de mépris. C’est ainsi que, n’ayant pas su évoluer avec les époques, elle devrait se rendre compte de la catastrophe de son image abimée qui s’est gravement altérée sur le continent avec ce que la presse a appelé le sentiment anti-français qui s’est alors développé dans l’opinion africaine, principalement dans la frange d’une jeunesse révoltée et consciente de ses responsabilités historiques vis-à-vis d’une Afrique qui aspire à relever la tête pour vivre digne, après plus d’un siècle de servilité et de domination. C’est l’avènement des réseaux sociaux qui a tout précipité. Alors que la France comptant sur une fracture numérique pour croire qu’elle a encore du temps pour continuer dans les mêmes logiques impériales et impérialistes, voilà que les médias sociaux qui se sont vite démocratisés, ont aidé à informer – hélas souvent aussi à manipuler – et à faire mûrir les consciences pour aider les Africains et surtout sa jeunesse à mieux comprendre les enjeux d’une redéfinition des relations avec la France. Pendant longtemps, isolée dans le confort de ses illusions, la France a cru que ce n’est qu’une affaire d’intox, comptant sur ceux que certains milieux africains appellent ses « valets locaux », pour croire qu’ils puissent lui remettre les choses en ordre afin de perpétuer sa domination.
Le Mali, à la suite de la brouilles avec Paris relativement à la gestion souveraine de sa sécurité, a aidé les Africains à comprendre que l’emprise française est contestable ainsi le Rwanda le réussit plus tôt, sortant tragiquement du génocide de 1994 pour devenir aujourd’hui un pays que la France peut respecter et le courtiser jusqu’à lui donner le secrétariat général de la Francophonie que Kagamé ne cherchait même pas d’autant qu’il avait quitté l’OIF, l’Organisation Internationale de la Francophonie et la langue française comme langue officielle pour marquer sa rupture totale avec cette France contre laquelle le pays avait énormément de choses à reprocher dans la tragédie qu’il vécut à la fin du siècle dernier. Parce que cette France colonialiste ne sait pas respecter les autres peuples, elle perdit de l’espace et de l’estime auprès de beaucoup de ses partenaires notamment africains qui firent alors le choix raisonné de la diversification de leurs partenaires. La France, pour beaucoup d’analystes ne travaille qu’à maintenir les peuples qu’elle dominaient hier dans un état de dépendance pour avoir à justifier une coopération inutile avec elle car celle-ci profite plus à elle-même qu’à ceux qu’elle prétend aider à se développer. Partout, sur le continent, si ce n’est dans les discours officiels où les dirigeants qui répondent plus au nom de la France qu’à celui de leurs peuples obligés de louer la France et sa relation avec le continent, l’on n’entend qu’un discours hostile, rebelle, souvent révolutionnaire d’Africains qui veulent aller à la vraie liberté pour retrouver une dignité qui leur est déniée.
Les Africains sont en avance sur le nouveau front médiatique…
Depuis quelques années, des leaders de la société civile, de grands intellectuels, des blogueurs et autres activistes des réseaux sociaux ont investi le nouveau territoire médiatique, diffusant des messages qui discréditent la France dans sa relation avec le continent et appelant les Africain à une prise de conscience pour se battre enfin pour leur dignité. Toute la jeunesse africaine connait le travail inlassable et très intellectuel que mènent par exemple Nathalie Yamb et Kémi Séba sur les réseaux sociaux depuis des années et leurs publications sont largement partagées dans le monde, utilement lues tant par les Africains du continent que ceux de la Diaspora. Les injonctions de Paris, pour les contrarier dans leurs actions surtout quand ils viennent sur le continent en se servant de pouvoirs africains qui leur sont soumis, ne fait que conforter ces acteurs dans leur combat, pouvant, dans la contrariété à laquelle ils font face sur le continent, comprendre aussi la justesse de ce combat très noble pour l’Afrique. Il se trouve d’ailleurs qu’une telle attitude à leur égard renforce les convictions, et développe la sympathie qu’ils ont à travers des structures nationales qui les soutiennent et qui sont souvent le relais de leur discours auprès des peuples et de la jeunesse. Il y a aujourd’hui une montée en puissance des réseaux de blogueur et la démocratie aujourd’hui est obligée de faire avec, rendant difficile à des pouvoirs autocratiques la gestion de la liberté d’expression sur le nouvel espace médiatique devenu presque incontrôlable. Déclaration de guerre médiatique tardive d’Emmanuel Macron
Dans sa vraie guerre contre le terrorisme, plus pour d’autres intérêts qu’au service de la paix diront les détracteurs, la France a oublié cette guerre qui lui faisait des ravages sur sa réputation dans le monde et lorsqu’elle ouvre les yeux pour voir les dégâts, c’était imparable : l’Afrique est loin sur ce front ! Il y a quelques jours, face à la dégradation irréparable de son image auprès de l’opinion africaine, Emmanuel Macron lançait sa guerre médiatique, mais comme toujours, nommant des boucs émissaires pour justifier ses déboires sur le continent, incapable de comprendre que d’autres, opportunément, pour les mêmes intérêts mais avec une diplomatie plus humaine et humaniste, ne peuvent qu’occuper les espaces vides qu’elle laisse profitant des déceptions et des colères que sa politique à l’égard du continent a provoquées. Dans son discours-déclaration de guerre, Emmanuel Macron, ne pouvant cacher ses colères, visiblement remonté contre certains nouveaux partenaires qui dérangent, comptant sur un « Levier défensif » pour réparer le tort qu’on aurait fait à son pays, estimant qu’il s’agit d’une « mission nouvelle des dernières années », et peut-être qu’il n’aura compris, hélas, que très tard. Enfin, le président français peut reconnaitre que « le monde a changé » mais ne peut mais ne peut lui changer pour se conformer à la nouvelle donne mondiale, et ne pouvant toujours pas tirer les bonnes leçons pour comprendre qu’il y a plus à mettre à cause son attitude arrogante vis-à-vis du continent que de croire que c’est un autre qui lui gâche tout dans son impérialisme de mauvais aloi. S’il est vrai, ainsi qu’il le dit, que « [leur] pays est souvent attaqué, il est attaqué dans les opinions publiques, par les réseaux sociaux et les manipulations », il reste qu’il lit mal les évolutions pour ne pas comprendre qu’il a aujourd’hui à faire face à une génération décomplexée qui ne le regarde plus comme un « Blanc », mais comme un homme en qui une couleur arbitraire de la nature ne change rien à son statut de mortel. C’est donc tout dépité qu’il constate que « le continent africain en est le meilleur laboratoire » de ces mutations qui, forcément, changeront beaucoup dans les rapports. Lorsqu’il s’en prend à un certain « narratif russe, chinois ou turc sur le continent » par rapport auquel il pense qu’« On doit être agressif, mobilisés sur ce sujet », on comprend bien qu’il ne comprend pas que le discours ne changera rien à sa situation désormais inconfortable sur le continent tant qu’il ne pourra pas changer, et avoir de nouvelles approches dans sa relation avec le continent et avec les Africains, surtout lorsqu’elle devrait être toujours portée par les mêmes arrogances. C’est pourquoi, « installer notre narratif » et « donner nos arguments » ne suffiront pas à régler le problème avec le continent. D’ailleurs, lorsqu’il parle de « Travailler avec des alliés de la France », peut-il dire qu’il compte sur les gouvernements africains qui sont, pour la plupart, peu crédibles, impopulaires dans leur opinion ? Dans le nouveau front médiatique qu’ouvre Emmanuel Macron, comptant sur les réseaux de France Média Monde, il faut craindre, comme Barkhane au Mali, qu’il ne vive les mêmes revers. Que ne font pas déjà, rfi et France 24 pour magnifier l’action de la France sur le continent et pour quels résultats ? ʺMinabilitéʺ, passe nous ton mot, Gohou Michel..
Considérée sur ces points, cette guerre est perdue d’avance.
L’Afrique est adulte. Il faut en tenir compte.
Source: Nigerdiaspora du 07 sept 22